AFFEN&Co 368 avec Jonathan POTTIEZ
L’évaluation de la formation est une question essentielle pour les entreprises cherchant à mesurer le fameux ROI (Retour sur Investissement) de leurs dispositifs. Jonathan POTTIEZ co-auteur de la 4ème édition de l’ouvrage L’évaluation de la formation (avec Jean-Luc Gill), insiste sur la nécessité de définir des critères de succès en amont pour guider l’évaluation en aval.
Les Trois Piliers de l’Évaluation
Pour évaluer la formation, il faut distinguer trois concepts fondamentaux:
1. La Qualité : La formation est-elle un bon produit ou service de formation ?
2. L’Efficacité : La formation a-t-elle permis d’atteindre les objectifs assignés ?
3. L’Efficience : Les résultats ont-ils été obtenus au meilleur coût ?
Historiquement focalisée sur la satisfaction « à chaud », l’évaluation moderne se concentre désormais sur le transfert des apprentissages. L’objectif principal est de vérifier si les acquis sont appliqués sur le terrain et de comprendre les raisons d’un éventuel non-transfert. Ce défi est complexifié par la difficulté à définir précisément les compétences attendues, en particulier les soft skills, dans un monde de plus en plus incertain (monde VUCA).
Le Défi de l’Apprenant Moderne et le Rôle Managérial
Face à l’incertitude, l’accent est mis sur le développement de la capacité d’apprendre à apprendre (méta-cognition). L’individu doit être capable de réflexivité, de solliciter du feedback, de s’auto-évaluer, et de développer des compétences en continu, au-delà du strict livrable de formation. Jonathan Petier croit en une diminution progressive de la formation formelle au profit d’une autonomie accrue des collaborateurs, qui deviennent des apprenants modernes. Le rôle du responsable formation doit évoluer pour devenir une « main invisible » qui met de l’huile dans les rouages, mais n’est plus un passage obligé.
Pour encourager cette autonomie et l’engagement, la formation nécessite un travail important sur son design et son marketing afin de développer l’envie chez les collaborateurs. L’exemplarité du manager est cruciale, notamment en faisant de la formation un sujet régulier lors des rituels d’équipe. Le succès ou l’échec de la formation doit être perçu comme une responsabilité partagée par le collectif de travail.
L’Intelligence Artificielle et l’Évaluation
L’Intelligence Artificielle (IA) bouleverse les pratiques, offrant de nouvelles opportunités d’apprentissage (comme les compagnons conversationnels) et d’évaluation. L’IA peut aider à concevoir des évaluations (quiz, mises en situation) ou à analyser les sessions enregistrées pour vérifier le niveau d’attention et le contenu des échanges.
Toutefois, l’IA présente des risques, notamment la dépossession des connaissances et la perte de capacité cognitive si elle est utilisée comme une prothèse qui fait à la place de l’humain. Pour éviter que l’entreprise ne perde la main, l’avenir repose probablement sur des modèles d’IA entraînés sur les données spécifiques de l’entreprise. La formation est nécessaire pour développer un regard critique sur l’IA et comprendre ses limites. L’idéal est que l’IA agisse comme une orthèse : un outil qui donne plus de puissance, mais ne remplace pas le cœur du métier.
Un Défi Culturel : Du Moyen au Résultat
Si un responsable formation souhaite remettre à plat son système d’évaluation, la première question fondamentale à se poser est : « Pourquoi ? ». Que souhaite-t-on démontrer et pour quelles actions concrètes ?.
Le changement de culture est le plus grand obstacle, nécessitant au moins 3 à 4 années. Il s’agit de basculer d’une logique d’indicateurs de moyens (volumes, budgets) à une logique de résultats. L’évaluation ne doit pas être perçue comme une sanction. Il est essentiel d’avoir une charte d’évaluation qui garantit que les données ne seront pas utilisées contre le collaborateur et d’insister sur le fait que l’évaluation est un compagnon d’apprentissage.
En embrassant l’ensemble des modalités d’apprentissage et l’autonomie de l’apprenant, le service formation pourrait logiquement évoluer vers un service apprenant, dont la valeur ajoutée se mesure à sa capacité à aider les opérationnels à mieux faire leur travail
.